musique, lutherie déjantée

musique, lutherie déjantée

La Clinique du Docteur Sifoné - épisode 10 : 4 ans, 4 cordes, ou le hasard des chiffres fait bien son boulot

- Papa, papa, je veux une guitare !

- Oui fiston, mais tu peux jouer avec celle de ta soeur...

- Oui mais je veux que tu me fasse un Canjo

- Bah je veux bien mais là maintenant j'ai pas le temps...

- Papa, je veux un ukulélé !

- Et le bleu que je vous ai donné ?

- Papa, tu me la fais quand ma basse ?

 

Bon, vous l'aurez compris chers lecteurs, mon fils Gaston aime la musique et veut surtout en jouer (tant que c'est du rock'n'roll). Depuis qu'il arrive à se faire comprendre, il me tanne pour que je lui offre un instrument... Pourtant il a déjà de quoi s'amuser à la maison, avec tous les instruments à sa disposition (et ceux qui me connaissent savent que je n'éxagère pas une seule seconde), il a de quoi former un orchestre complet... ou presque.

Mais comme il est à peu près aussi têtu que son père, Gaston n'en démord pas, il veut SON instrument à lui. C'est vrai que sa soeur avait eu une guitare électrique (voir La Clinique épisode 2), après tout il a raison, ce n'est que justice.

Soit, tu veux gratter des cordes ? Si je fais le tour de ce que vous avez dans votre salle de répétition d'enfants "gâtés", je remarque qu'il vous manque en effet un instrument... Une évidence de taille. UNE BASSE ! Comment peut on faire du rock'n'roll sans basse ? Oui, bon, certains me parleront de John Spencer Blues Explosion, ou me trouveront encore d'autres exemples, mais l'absence de sons graves, joués sur une portée en clé de Fa... Avouez quand même que ça manque.

 

C'est décidé, pour ses 4 ans, mon Gaston aura 4 cordes, des grosses... et graves. Me voilà bien avancé, et il va falloir se mettre au boulot.

Tout d'abord, réunir le matériel nécessaire.

Au vu de la taille du bassiste (à peine plus d'1 mètre de haut), je pense qu'un manche de basse standard risque d'être un peu grand. Qu'à cela ne tienne, j'ai un vieux manche de guitare électrique récupéré chez un copain il y a longtemps (Merci Toto !).

Pour le corps, je vais utiliser une chute du plan de travail de notre salle de bain, en hévéa massif.

Pour l'électronique, j'ai en stock assez de composants et le micro vient de la même récup' que le manche (son jumeau avait d'ailleurs servi à la création d'un triangle électrique). Le chevalet est lui aussi récupéré d'une vieille épave. Restent les plaques pour fixer tout ça, je prendrai l'option contreplaqué, j'en ai toujours des chutes pas possibles. Et pour ce qui est du bouton de volume, j'ai en réserve quelques vieux boutons de TSF, il y en a sûrement un qui fera l'affaire...

 

Le matos réuni, il faut donc se lancer.

La seule pièce qu'il me faille créer est le corps... J'ai longtemps ruminé sur quelle forme il devait avoir, stratoïde ? Lespauloïde ? Patatiforme (Gaston s'était pointé une fois devant moi en me demandant de lui faire une guitare avec la planche à découper la viande)? Aaaaargh ! c'en est trop ! C'est trop dur !

Au final je me suis inspiré d'une basse playmobil, influences FlyingV/Firebird... et une fois le dessin réalisé, j'étais content. Donc... à l'atelier. Je dessine directement sur ma planche, et avant de découper le corps, je prépare déjà le trou dans lequel viendra s'insérer le manche, à la défonceuse, à l'aide d'un gabarit maison. Et heureusement que j'ai procédé ainsi, car à la première tentative de défonce, le gabarit s'est décollé, et j'ai rippé, ratant le logement avec brio. Heureusement pour moi (ou pour Gaston), j'avais assez de bois pour faire deux corps. Je recommence donc l'opération après avoir décalqué et reporté mon dessin, en assurant mon gabarit avec deux fois plus d'adhésif double-face, et tadaaam ! voilà un joli trou pile-poil à la bonne taille, au micro-poil !

 

 

Ensuite vient la découpe, que j'effectue à la scie à ruban, un peu à l'extérieur de mon trait de coupe, je finirai en détail avec mon rouleau de ponçage maison sur la perceuse à colonne. Et la défonce des différentes cavités (toujours à l'aide de gabarits maison) qui accueilleront plus tard l'électronique de l'instrument ainsi que des bords du corps pour arrondir les angles (ce serait moche que Gaston se charcute les bras en jouant, même si son premier groupe imaginaire s'appelait Cochon). Un petit assemblage pour voir si ça biche, et un montage à blanc de l'ensemble pour voir si c'est cohérent, et aussi pour caler la position du chevalet, que je fixe pour percer les trous de passage de cordes...

 

 

On peut passer à la phase déco, après un ponçage minutieux du corps pour enlever toute la crasse et les traits de crayon, je passe un bouche-pore (ou fondur) au rouleau sur le bois. GROSSE ERREUR !!! Je voulais teinter le bois dans la masse, pour qu'on voie son veinage et de la couleur, et le bouche-pore va empêcher (du moins en partie) ce procédé ! Quel c*§%µ£$on ! Tant pis, je vais faire un vernis teinté...

Après avoir mélangé mon vernis avec une touche de colorant universel, je tente l'aventure au pistolet, avec un raté splendide. A part des coulures qui gouttent, je n'obtient rien de bon, donc chiffon, on essuie, on tamponne, en priant pour que la teinte soit à peu près uniforme.

Après séchage, je suis pas hyper content et je me dis que je vais tout reponcer. Ce que je commence à faire, pour changer d'avis en cours de route et faire un ponçage "vintage", genre traces d'usure... Une fois le ponçage terminé... je suis toujours pas satisfait, alors je reprends mon vernis teinté et j'en passe deux couches avec un rouleau à laquer. L'aspect me plaît enfin... Plus qu'à vernir en incolore par dessus pour protéger.

Le ponçage/égrenage entre ces couches de vernis (au nombre de 6 ou 7) a toutefois abîmé la teinte par endroits, mais vraiment très peu... c'est le côté usure que je cherchais au départ, du coup je suis content.

Pour les plaques (micro et plaque de contrôle), j'ai utilisé le même vernis teinté, à la seule différence qu'elles avaient été teintées à l'encre bleue de stylo-plume avant bouche-porage, ce qui leur donne un aspect plus foncé.

 

 

Allez, c'est presque la dernière ligne droite ! Je commence à monter l'accastillage, notamment les passants de cordes à l'arrière du corps pour m'apercevoir que les deux du milieu vont avoir un peu de mal à passer côte à côte (ma perceuse à colonne n'est pas le meilleur modèle, et j'ai eu la surprise de remarquer qu'elle ne perçait pas toujours parfaitement droit). J'arrange les choses avec un petit coup de lime. Puis on retourne la bête, et on lui habille les entrailles, d'abord avec un adhésif métallique (blindage interférentiel), on remonte le chevalet, sans oublier d'y amener un fil de masse.

 

Vient ensuite l'électronique ; j'ai opté pour un système à un bouton de volume, accompagné d'un petit switch de tonalité dit "treble-bleed" (qui coupe les aigus du son). Gaston aura donc le choix entre le son plein de son micro, ou bien un son plus velouté et rond. Après quelques soudures, tout est prêt à installer, y a plus qu'à !

 

 

Il ne me reste plus qu'à monter le manche et les cordes, mais avant cela, comme le diable est dans les détails, je tenais à personnaliser sa tête. Gaston, Gibson... autant de lettres, même initiale. Un petit pochoir façon Gibson, on visse le manche, on installe 4 cordes de guitare baryton (accordées en LA RE SOL DO, comme une basselélé en quelque sorte) et voilà la Gaston FlyingBird Fire V prête à faire feu ! (bon, j'ai eu deux ou trois réglages de truss et de pontets a faire quand même hein...)

 

 

 

Reste une gros problème : l'ampli. Bah oui, une basse électrique, c'est comme une guitare électrique... il faut un ampli pour se faire entendre. Et c'est ici que le titre de l'article trouve son sens.

J'ai trouvé à la déchetterie un vieil ampli Novanex en parfait état de marche. Il a 40 ans, et fait 10 watts. Mon fils est né le 4 octobre (4/10), il a donc pour ses 4 ans un instrument à 4 cordes pour y faire jouer ses 10 doigts sur un ampli de 10 watts qui a 4 fois 10 ans. Alors, il fait pas bien son boulot, le hasard des chiffres ?

 

Petit supplément : Comme l'ampli ne produit qu'un son clair, j'ai fourni à mon fiston une jolie petite pédale de disto maison, qui fonctionne sans alimentation électrique et surtout sans pile. Parce qu'il n'y a pas de rock'n'roll sans un peu de saturation, et parce que ça ne doit pas nous empêcher de penser à être un peu moins énergivore...

 

 


11/10/2018
0 Poster un commentaire

La Clinique du Docteur Sifoné - épisode 9 : Maurice sauvé des eaux, ou quand on fait peau neuve tout baigne.

L'histoire que je vais vous conter aujourd'hui est un peu triste, mais ne vous inquiétez pas, c'est comme dans les contes de fées, ça se termine bien...

Il était une fois, il y a bien une vingtaine d'années, un jeune étudiant qui pratiquait la musique.

Il jouait de la basse, sur un vieil instrument qu'il aimait beaucoup, une jolie Italienne du nom de Eko 1100.

Sa ligne racée, sa jolie robe à face bleue et dos blanc pailletés, son merveilleux liséré doré... en fait, cette antiquité des late sixties avait en effet tout pour lui plaire, hormis quelques interrupteurs qui le gênaient un peu pour jouer son rock survolté ou sa pop aérienne.

 

3324685256_a82706e004.jpg

 

Bon peut-être qu'il ne savait pas à quel point il l'aimait et que ce qui arriva n'aurait pas dû arriver...

 

En ce temps-là où il avait vingt ans (pour paraphraser l'idole de ma mère, le grand philosophe visionnaire Pierre Bachelet), il jouait donc, mais laissait aussi son instrument traîner dans des endroits un peu déconseillés, en l'occurence dans la cave de son immeuble.

Or, par une nuit de déluge, la dite cave se retrouva inondée, et la belle Eko faillit se noyer.

Non, en réalité, elle se noya.

 

Je vous avais prévenu, vous pouvez sortir vos mouchoirs.

 

Le jeune homme, s'apercevant du drame, fut éploré. Il tenta de ranimer sa dulcinée, en lui pratiquant le bouche-à-bouche et des massages cardiaques.

 

Euh, non là je crois que je déconne un peu.

 

Sortie de la cave et mise au sec, la pauvre basse avait tellement souffert qu'il dût se résoudre à retirer toute l'électronique, pickguard compris. Tout avait pris l'eau, et l'oxydation avait fini l'œuvre que le temps avait entamé. Pour être clair, la basse venait de subir un vieillissement accéléré, et se trouvait désormais à l'article de la mort.

 

Fou de chagrin, il tenta avec un ami, et ses maigres moyens d'étudiant, de lui redonner vie. Ils lui fabriquèrent un nouveau pickguard en contreplaqué dans lequel venait se placer un micro pour guitare folk. Oui ! vous avez bien lu ! Du contreplaqué et un micro de guitare folk !

 

Je vois déjà certains se lever, crier à l'hérésie, mais on fait avec ce qu'on a, surtout quand on n'a pas grand-chose.

Je ne le blâmerais pas, ayant moi aussi fait pas mal de bricoles un peu sauvages et pas toujours de bon goût.

 

La belle Eko, désormais défigurée, a continué à jouer pendant plusieurs années.

Un jour, le jeune homme l'abandonna cependant. Il avait acheté une nouvelle basse, pensant que sa dulcinée ne valait plus la peine d'être choyée. Et Eko fut reléguée dans un grenier (mais au sec cette fois-ci).

Fin de l'histoire.

 

Enfin, pas vraiment.

 

Un beau jour, une vingtaine d'années plus tard (environ, je n'ai pas la chronologie exacte de cette histoire), le jeune homme qui avait mûri, pris des cheveux gris et attrapé des enfants (une terrible MST dont on ne peut ni ne veut guérir), se retrouva nez à nez avec son amour de jeunesse. Sa mère, en voulant vider le grenier, avait ressorti Eko et le jeune homme eut alors des remords.

C'est vrai qu'elle était chouette, et que si il avait eu les moyens à l'époque du drame, il l'aurait réparée.

 

C'est donc par un frais matin de février que je reçus un mail de Pierre (c'est le prénom de notre héros), me demandant aide et conseil pour redonner un coup de jeune à sa basse. Sans revenir au modèle original, mais en essayant d'en garder l'esprit.

 

Emu par son histoire, je ne pouvais qu'accepter.

 

Il vint donc à la maison m'apporter cette pauvre basse qui ne demandait qu'à revivre.

 

Voilà ce que je découvris.

Une carcasse. Couverte par des années de poussière. Mais dès le premier regard, je sus qu'elle vibrerait à nouveau.

 

 

Il y avait en effet pas mal de boulot. Un gros nettoyage pour commencer ; le corps, le manche, et les mécaniques étaient sédimentés par la poussière. Le chevalet avait perdu une vis, et le chrome était bien piqué...

Il fallait refaire un pickguard, installer de nouveaux micros et potentiomètres, trouver de jolis boutons à mettre dessus... Et puis, si possible trouver des pièces collant avec l'esprit d'origine, sans forcément le respecter à la ligne.

 

Pour l'électronique, Pierre ne voulant pas s'embarrasser des interrupteurs d'origine, j'optai pour un circuit typique JazzBass (2 boutons de volume, 1 de tonalité). Le plus compliqué fut de trouver des micros ayant un look vintage qui colle avec le style de l'instrument. Après avoir fureté sur les sites de pièces d'origine d'occasion, je me rendis compte que ce serait coûteux de retrouver les micros natifs, et sans certitude d'avoir un son correct. Je pris donc le chemin de mon fournisseur habituel, et trouvai des micros type Hofner (vous savez les basses violon comme celle de Paul Mc Cartney) qui feraient tout à fait l'affaire.

Pour refaire un pickguard, j'ai acheté une plaque à découper coloris Red Tortoise, en 3 plis, avec un pli noir au centre.

Pour les boutons de potards, je reluquai d'abord sur internet, sans trouver la pièce désirée, ou alors trop cher. Il fallut ensuite voir mon ami Joël (qui fut bassiste du célèbre groupe les Résidus) pour fouiner dans sa collection de boutons de TSF. J'en glanai quelques uns, sans être totalement convaincu. Finalement je choisis une troisième voie, celle que je préfèrais, le Do It Yourself et le travail du bois...

 

 

Tout était prêt... y avait plus qu'à se mettre au travail ! Nettoyage du corps à l'alcool et l'huile de coude, la touche à l'huile de citron, etc... Découpe du pickguard, biseautage des bords, perçage des trous pour les micros et les potards... Mise en place des composants du circuit électronique et des micros puis soudures.

 

 

Au bout de quelques heures de travail, la belle Eko avait repris des couleurs, et de son charme plus tout à fait originel. L'opération terminée, il ne restait plus qu'à poser pour la postérité.

 

 

Pierre repassa chercher sa belle à la maison, et repartit pour de nouvelles aventures avec Jorge Bernstein and the PiouPiouFuckers, arborant désormais une basse au potentiel kitschissime (c'est pas de moi, c'est de lui), le sourire aux lèvres...

 

Je vous l'avais dit, ça se termine bien, vous pouvez ranger vos mouchoirs. Allez, au lit maintenant.


03/07/2018
2 Poster un commentaire

La Clinique du Docteur Sifoné - épisode 8 : Alohaaa ha ha ha, ou la naissance d'un nouveau type de nuisance sonore.

Salut amis lecteurs,

 

L'été est là, et avec lui ses éternelles parties sur la plage, autour du feu de camp et bien sûr, ses percussionnistes chevronnés qui cassent les oreilles du campeur, de par leurs rythmes ultra répétitifs joués sur des djembés mal tendus des heures durant (parfois la nuit entière, ne me faites pas croire que vous n'avez jamais été témoin de ce genre de scène). Quoi ? Je me moque ? Meuuuuh non voyons, ayant moi-même participé à ce genre de festivités dans ma jeunesse, je sais à quel point on peut s'amuser en faisant ça.

 

Seulement, si on peut casser les noix du vacancier qui dort, j'ai noté toutefois quelques inconvénients à cette pratique instrumentale.

 

Tout d'abord, le volume sonore produit est élevé et oblige à se placer dans des lieux isolés autant que possible pour ne pas voir débarquer immédiatement les schtroumphs (vous savez, ces représentants de l'Etat tout de bleu vêtus) et subir toutes sortes de contrôles assez désagréables.

 

Ensuite, un djembé c'est lourd, et encombrant. D'autant plus si on est parti pour voyager léger. Et en cas de visite schtroumphesque ou de poursuite par le gros Gérard qu'on a empêché de cuver son Ricard tranquillement, c'est pas ce qu'il y a de plus simple à trimballer pour prendre la poudre d'escampette.

 

Fort de ces constatations, j'ai donc réfléchi : que pourrait on faire pour continuer à faire chier le gros beauf du camping, tout en ayant la facilité de s'installer n'importe où ? Comment se débarrasser du poids conséquent d'un instrument tel que le djembé tout en continuant à faire de la musique avec  quelque chose de simple à jouer ?

 

Je me suis aussi demandé si j'avais envie de fabriquer des percussions, mais làààà, non, en fait je suis un joueur de cordes, j'aime trop ça pour passer à autre chose, du moins pas maintenant.

 

De tout ce questionnement bouillonnant a émergé une idée. Et si, à la place du djembé,on jouait d'un instrument petit, léger, peu bruyant (permettant donc d'être là où l'on dérange le plus) ? Mais ouiii ! Bon Sang Mais C'est Bien Sûr ! le UKULELE ! c'est simple d'apprendre le jeu, et il remplit toutes les conditions pré-citées...

 

J'ai donc pris mes crayons, mes outils, et direction la salle d'opération pour créer un nouveau type de uke (son diminutif). Je ne souhaitais pas avoir un instrument trop classique, j'ai donc opté pour une forme plus électrique (bien que la chose soit totalement acoustique). Je voulais aussi que l'instrument puisse produire un effet sonore du genre wah wah, ce qui m'a poussé à placer la rosace au dos de l'instrument et pas sous les cordes (à l'instar du ukulélé traditionnel hawaïen), et tant qu'à faire je voulais aussi qu'il soit orné d'un joli motif. Le dernier point critique, faire rentrer la bête dans une housse standard, a été étudié dès le dessin afin de ne pas être obligé de fabriquer le flycase qui va avec.

 

Quelques semaines (soit une vingtaine d'heures de boulot parsemées par ci par là) plus tard naissait sous mes doigts tremblants l'instrument qui révolutionnera votre été à la mer.

 

Le corps et le manche sculptés dans un contreplaqué ancien mais costaud et avec des jolies teintes, la table d'harmonie et le dos en sapelli (un cousin de l'acajou), une touche en noyer hors d'âge, sillet et chevalet en hêtre, mécaniques modernes pour ressembler à une guitare électrique, la tête en V du trasher de surfer, son motif personnalisé, ses dix couches de vernis polishé, v'là t'y pas qu'il est beau. Mais Ukulélé, je trouve pas ça trop adapté au concept et à la destination finale de l'instrument.

 

Alors, un instrument qu'on peut jouer partout, sur la plage, sous la tente, à la terrasse des cafés, qu'on peut sortir subrepticement d'un sac à dos pour casser la conversation d'un groupe d'amis, et qui finit par casser les couilles à tout le monde... comment pourrait on l'appeler ?

 

le cassecouille lélé ? non, trop long, pas assez efficace, ah fuck, je sèche !

 

Tiens fuck, fuck you, fuck you lélé, on tient un truc là... Et voilà, le FUK'U'LELE !

 

 

 

 

Après avoir conçu un premier modèle, j'ai noté quelques (petits) défauts, tout d'abord le passage de cordes traversant le corps a tendance à abîmer un peu le bois. Ensuite, je n'ai pas protégé la touche, et elle a tendance à s'encrasser un peu, c'est bête parce qu'avec un peu de cire d'abeille j'aurais réglé le souci très bien et très vite. Il y a aussi le chevalet que j'ai laissé flottant (non collé) et qui me causera bien du souci le jour où je déciderai de changer les cordes. Et enfin le vernis ne me satisfait pas complètement, c'est beau mais j'aurais voulu encore mieux.

 

Une copine ukuléliste (c'est comme ça qu'on dit ?) qui souhaitait avoir un nouvel instrument a eu vent de ma création et m'en a commandé un, ça m'a donc permis de corriger tout ça, à l'aide d'une frette sur la table d'harmonie qui empêche les cordes de rentrer dans le bois, et puis surtout avec un peu de colle sous le chevalet (après moultes réglages pour savoir où le placer pour que ça sonne juste). La touche a été cirée pour parer à un encrassement rapide.

La copine a aussi (malheureusement selon moi) opté pour un motif plus floral, qui lui permettra de jouer dans le cadre de son boulot d'animatrice auprès d'enfants (bah c'est sûr qu'ils sont moins punks que moi...), et j'ai mieux soigné le vernis cette fois-ci (on apprend au fur et à mesure, et on s'améliore itou).

 

 

 

 

Si vous aussi vous souhaitez devenir la nouvelle génération de casse-bonbecs de l'été, n'hésitez pas à me contacter via les commentaires du blog pour passer commande, je reprendrai contact avec vous (temps de livraison aléatoire en fonction des commandes et de mon emploi du temps, mais j'honore toute commande confirmée et essaie de faire le tout en moins de trois mois maximum).

 

 

100_2359 [480weblog].JPG

 

 

Ah ! j'allais oublier ! Une fois l'été passé, le Fuk'u'lélé a encore toute sa place auprès de vous car vous pouvez encore aller emmerder le monde partout en intérieur (repas de famille, au cinéma, devant la télé pendant que monsieur regarde son match ou que madame pleure devant son film d'amour... et que sais-je encore, les limites seront celles de votre imagination) !


15/06/2017
0 Poster un commentaire

La Clinique du Docteur Sifoné - épisode 7 : Bienvenue au pavillon des naissances !

Hééééé ouais ! La clinique du Doc Sifoné redonne la vie à des instruments en souffrance, parfois au prix d'une chirurgie esthétique importante, mais pas que !

 

futur-papa-accouchement.jpg

 

 

Depuis quelque temps, un service a ouvert, plus spécialisé dans les accouchements et c'est avec fierté que je vous annonce la naissance de six nouveaux-nés (dont la fratrie s'agrandira beaucoup je l'espère).

Depuis décembre 2016, six petits Milky Canjos ont vu le jour et crié leurs premières notes dans nos murs, ce qui fait de moi le plus heureux des sage-femmes instrumentales.

 

Un Milky Canjo, quoi qu'est-ce ?

 

Un instrument à cordes, on s'en doute.

 

Constitué d'un manche sculpté fin recevant trois cordes métalliques (bronze ou acier au choix) et d'une caisse de résonance métallique (une magnifique boîte ayant contenu du lait maternel en poudre), d'un cordier tout inox et d'un chevalet et d'un sillet faits de bois de hêtre, il se joue à l'aide d'un authentique bottleneck en provenance de nos plus prestigieux vignobles bordelais.

Son corps à la fois rond et profond peut être laissé brut ou agrémenté d'une peinture de guerre, sa tête varie en fonction des mécaniques trouvées ça ou là.

 

Le son qu'il produit peut rappeler le banjo, le dobro (caisse métallique et jeu au slide obligent), mais invite aussi l'oreille vers des contrées plus orientales, suivant le mode utilisé pour en jouer.

 

Les parents qui ont adopté un de ces chérubins sont emplis de joie, le bonheur de jouer d'un instrument simple et accessible les comble, bref, n'hésitez pas à me contacter via le blog pour, à votre tour, être sur la liste des adoptants.

 

En attendant de vous combler vous aussi de bonheur, je laisse votre regard se régaler de quelques images de mes bébés (les quatre derniers, j'étais tellement ému d'avoir fait naître les deux premiers que j'en ai oublié, encore une fois, de les photographier)...

 

 

 

 

P.S : Pour les candidats à l'adoption, j'informe que tout Milky Canjo commandé est livré AVEC son authentique bottleneck...


08/06/2017
0 Poster un commentaire

La Clinique du docteur Sifoné - épisode 6 : Un Dobro qui a du chien, ou la chirurgie vétérinaire au service du blues

Truss-rod : (nm) tige métallique filetée traversant le manche de la guitare, ayant pour fonction d'en régler la tension.

Ce type de matériel se retrouve principalement sur les guitares à cordes métalliques.

 

Alors pourquoi diable en ai-je trouvé un sur une guitare classique ? Se pourrait-il qu'on puisse alors remplacer les cordes nylon par des métalliques ?

En théorie, oui ça doit pouvoir se faire... mais ce serait dommage de ne pas relooker un peu cette gratounette (taille 1/2) pour en faire quelque chose de différent. Un dobro par exemple ?

Dobro : (nm) Guitare acoustique (ou électro-acoustique) à résonateur métallique. Le dobro est fréquemment utilisé dans le blues, la country-music, le rock...

Mouais, ça me fait rêver depuis un moment le dobro, et puis y a certainement moyen de s'amuser un peu.

 

Et voilà comment je me suis embarqué pour une nouvelle aventure guitaristique iconoclaste. J'avais sous la main une guitare classique d'enfant de marque Hondo, datant du début des eighties et dont l'état était plutôt bon (malgré des années de stockage dans un grenier venté). Après quelques recherches peu fructueuses sur internet, j'estimai que je ne perdrai pas grand-chose à la transformer...

 

 

 

 

Donc, j'avais la guitare, manquait plus que le résonateur (pour faire court)... Le supermarché d'à côté proposant un choix exhaustif de gamelles en ferraille pouvant servir de résonateur, il ne serait pas difficile de trouver le récipient adéquat. Et ben, en fait si. Trouver un résonateur qui convienne n'est pas une petite mission, il faut prendre en compte la place qu'il va occuper dans la caisse de la guitare, et les normes de lutherie ne sont pas forcément proches des normes culinaires. Après plusieurs semaines de recherches vaines je finis tout de même par trouver quelque chose de chouette. Au rayon animalerie.

 

 

Enfin, muni du précieux doggy graal, je laissais mûrir encore l'idée quelques mois. La furieuse envie de bricoler m'avait lâchée au cours de cette quête de la Sainte Gamelle. Et puis je m'y suis mis. Avec une idée un peu plus concrète de ce que j'allais réaliser.

Tout d'abord, il allait falloir ouvrir la guitare, lui créer un trou suffisamment large pour y insérer mon résonateur inox embossé de 21,5 centimètres de diamètre... non ce n'est pas sale.

 

 

Bon, c'était bien mignon tout ça, mais ça faisait pas un dobro. Il manquait pas mal de pièces. Des fixations pour la gamelle, un cordier déjà pour commencer.

Et puis comme je le voulais électrique, mon dobro, bah il manquait un micro magnétique près du manche, un piezo sous le chevalet, des potentiomètres pour régler tout ça, une prise jack, un sélecteur de micros, et une plaque pour le micro manche et encore des jolis boutons pour habiller les potars.

Une commande d'électronique sur internet et 400 centimètres carré de contreplaqué plus loin, on a déjà obtenu les fixations et la plaque pour le micro. Un peu de teinte et d'alcool pour donner un aspect moins, enfin plus, enfin bon voilà.

Pour le cordier, j'avais trouvé un morceau de tôle chromée dans les rebuts de mon atelier, un peu de découpage et de meulage, de perçage et de pliage et hop !

Pour les boutons de potentiomètre, j'avais fait le choix de les faire moi-même pour 2 raisons : tout d'abord on obtient un résultat plus original qu'avec des boutons usinés industriellement, et ensuite ces fameux bitonios d'usine coûtent un bras si vous cherchez quelque chose de pas trop moche. J'optai pour des douilles de cartouche (non je ne chasse pas, j'ai une belle-famille), qui donneraient à ce dobro un côté western rural.

 

 

Bon, on y était presque, toutes les pièces réunies, un petit montage à blanc pour voir l'aspect fini, et vérifier les placements de certains éléments et y avait plus qu'à !

Une fois ceci fait, il fallût tout redémonter, et préparer les derniers trous, ainsi que le blindage magnétique de la bête. Puis installer l'électronique, faire chauffer la soudure. Je me servais d'un schéma trouvé sur le site de Seymour Duncan (2 micros, un sélecteur 3 positions, un bouton volume, un autre tone) pour réaliser le circuit.

 

 

Aaaah, que j'étais content, que j'étais z'heureux quand d'une main fébrile j'allumai l'ampli à lampe et enclenchai un câble jack dans la prise de mon Doggy Dobro. Las ! pas plus de cinq secondes, car aucun son ne voulut en sortir. Après avoir vérifié que mon câble était en état de marche, que l'ampli fonctionnait normalement, il fallut se rendre à l'évidence : y avait une couille quelque part. Dans le circuit.

" Argh ! Allez, on détend les cordes, on démonte, on vérifie, et pan, tu vois là le fil vert ? Eh ben il devrait être soudé de l'autre côté du sélecteur, de ce côté ci c'est la masse, couillon. "

Bon avec deux heures de suées de plus, j'avais enfin un instrument qui sonnait plutôt pas mal, malgré un déséquilibre de volume assez net entre le piezo et le micro manche (ce qui était tout à fait prévisible). Cela n'empêchant pas d'avoir un grain de son sympa dans toutes les positions.

 

100_2024 [480weblog].JPG

 


27/03/2017
0 Poster un commentaire

La Clinique du docteur Sifoné - Episode 5 : Tatou, t'es où Tatou? (ou l'art de se mettre à table sur l'Île Fantastique)

Source Wikipédia :

Les tatous (Cingulata) sont un ordre de mammifères placentaires d'Amérique tropicale et subtropicale du super-ordre des xénarthres (anciennement super-ordre des édentés ). À côté des tatous actuels tous rangés dans la famille des Dasypodidae, on distingue aussi les glyptodons, espèces fossiles classées dans une autre famille, celle des Glyptodontidae. Leur régime alimentaire est principalement composé d'insectes (chenilles, fourmis, larves...), et éventuellement complété de baies ou de fruits tombés au sol.

Ils sont reconnaissables à leurs plaques cornées formant une carapace défensive lorsqu'ils se roulent en boule.

 

 

Attention les amis, les images que vous allez voir vont vous choquer...

 

J'ai accepté, à la demande d'une amie et collègue, de remettre en état un instrument à cordes originaire de Bolivie appartenant à son père. Pour être plus précis, il s'agit d'un charango, une sorte de guitare à 10 cordes (5 cordes doublées) de petite taille, dont la caisse est faite avec une carapace de tatou, animal tout mignon d'Amérique du Sud.

Bon déjà, c'est dur de se dire qu'on va opérer sur un cadavre (et je ne parle pas des problèmes avec les assos du type L.214), mais quand j'ai vu le travail, mon cerveau s'est retourné dans ma boîte crânienne. Comment avait-on pu faire ça à un instrument de musique ? Comment avait-on pu autant maltraiter un animal (même mort, séché, tanné et tout ce que tu voudras) ?

Il semblerait que ce pauvre charango ait fait une chute assez violente....

 

 

 

Oh mon pauvre tatou, comme tu as dû souffrir...

Et surtout, pourquoi t'avait-on laissé sans soin pendant près de 30 ans, abandonné de tous ? Mon pauvre petit, tu es arrivé à la Clinique du Docteur Sifoné, ne t'inquiètes pas, ça ne fait pas mal.

On va te retaper, petit tatou, un petit lifting s'impose de toute façon, et vu que je t'ai pris sous mon aile, en plus on va te changer de teint, car je vois bien sous la croûte de poussière qui t'habille que tu mériterais un joli teint plus rouge que celui que tu as actuellement. Bon, par contre, je te retapisserai pas de marquetteries, parce que déjà je trouve ça moche quand ça se décolle, et puis en plus, c'est pas trop ma spécialité, et enfin, même si j'ai envie de conserver ta jolie rosace, je ne suis pas sûr de pouvoir la retirer de ta vieille fracture de table sans la casser (mais bon, je vais essayer quand même).

 

Bon, ça y est ? t'es rassuré ? Alors, il ne reste plus qu'à s'y mettre vraiment.

 

Tout d'abord, avant de réparer, on décolle ce qui est cassé... et sans martyriser le pauvre tatou s'il vous plaît, un peu d'alcool à 70° un couteau souple et le tour est joué (merci à Pascal, ébéniste à Guémené-Penfao pour le conseil), non sans avoir transpiré un bon seau de sueurs froides (casse ? casse pas ? ouf, casse pas).

 

 

 

Ensuite, on finit de déshabiller (mécaniques, poussière) et on passe à l'étape suivante : la nouvelle table.

J'ai choisi (enfin, j'ai sous la main) du sapelli (famille de l'acajou) pour réaliser la table, seulement, il faut que je réduise son épaisseur de 3 mm à 1,5 mm pour être calibré comme il faut. N'ayant pas de rabot magique, il a fallu que je bricole une table à poncer pour parvenir à mon résultat. Quelques heures de bidouille plus tard, la machine était prête à fonctionner.

 

100_1522.JPG

 

Que c'est long de poncer 1,5 mm d'épaisseur de bois ! surtout avec une machine dont l'autonomie de fonctionnement est restreinte (en gros 40 minutes maxi)... Mais avec un peu de patience on y arrrive.

De cette planche il faut dégager la table, ce que je fais en reportant la vieille table fracturée au crayon puis avec un coup de scie à chantourner pour le contour... et au couteau pour la rosace (je me suis fait deux ou trois frayeurs avec la scie et je ne voulais pas être forcé de recommencer depuis zéro). Tiens, et puis, puisque je ne récupère pas la belle rosace ouvragée de l'ancienne table, je vais te lui faire une jolie gravure que j'incrusterai avec un peu de pâte à bois pigmentée par mes soins.

Côté découpage, j'ai pris aussi le temps de refaire une grosse poignées de petites cales qui serviront à fixer solidement la table sur la carapace.

 

 

Bon, toutes les pièces du puzzle sont réunies, y a plus qu'à faire chauffer la colle... Ben oui, parce qu'en plus on n'utilise pas n'importe quoi pour coller, môssieur madâââme, non non... Après quelques recherches, j'ai appris que les colles utilisées pour ce genre de lutherie étaient, à l'instar de l'instrument, d'origine animales (plus précisément un mélange de colle d'os et de nerfs appelée colle forte d'ébénisterie), et l'application se fait... à chaud. Alors, bain-marie, pinceau et c'est parti. Au bout de presque trois heures (oui, c'est délicat, il faut pas se rater sinon, on recommence), notre tatou commence à retrouver un peu d'éclat... mais on est loin du résultat final. Encore quelques étapes seront nécessaires, patience mon petit tatou, tout vient à point à qui sait attendre.

 

 

Voilà, tu commences à te sentir revivre, mais il te semble que tu prends l'air de partout, tatou. C'est normal, on va bien colmater le tour de la table avec de la pâte à bois, histoire de consolider la tenue de la table déjà, et aussi pour que le son que tu produiras ne sorte que par la rosace et soit bien projeté devant toi. Donc, on sort les spatules, la pâte à bois, quelques pigments (noir et sienne brûlée feront une jolie teinte chocolat pourri qui se rapproche de ton ancien habillage) et on beurre ! Heu, non, on va faire ça proprement, du coup il faut y revenir par trois fois pour obtenir quelque chose d'assez homogène. Puis on ponce le tout pour que ce soit agréable à toucher.

Arrrhhhhh, je trépigne d'impatience tout autant que toi, tatou... y a plus qu'à coller le chevalet, du coup je strie son emplacement au couteau, pour augmenter la prise. Et puis après on vernit, dix couches ne seront pas de trop, et enfin, enfin, on opère un polissage, histoire que ça claque un peu quand même.

 

 

Eh bien tu vois, ça y est, te voilà ressucité (enfin presque) ! Allez petit tatou, un bon nettoyage (décrassage même) de la touche et des mécaniques que je te réinstalle (j'en profite au passage pour les visser, ce qui n'avait pas été fait à ta naissance) et tu es prêt pour l'encordage. Dix cordes, pas moins, et il a fallu que j'en casse une ! Heureusement pour toi, j'avais une corde de ukulélé de même diamètre qui traînait par là... elle est pas de la même couleur ? et alors ? tu vas quand même pas nous chier une pendule pour ça, non ? Alors voilà, Môssieur le tatou n'a pas joué depuis plus d'un quart de siècle, et quand il se retrouve de nouveau prêt à le faire, il se plaint ? Meuh non, je plaisante voyons. En tout cas, je suis bien content de te voir tout pimpant, sur ton joli tapis de velours, et je pense que ton propriétaire va être aussi tout heureux de te revoir.

Allez, après-demain tu quittes la clinique du docteur Sifoné... je te souhaite plein d'aventures musicales mon petit.

 

 

100_1907.JPG

 

Et surtout, ne reviens jamais, par pitié, ne me fends pas (la table) le coeur une deuxième fois, ce serait trop dur, j'm'en remettrai pas...


27/01/2017
0 Poster un commentaire

La Clinique du docteur Sifoné - Ep.4 - La solidarité internationale au service de la mutation génétique (ou comment ressuciter un clou mort...)

La recherche de sa propre personnalité peut prendre des années... c'est d'une certaine façon l'histoire qui va vous être contée dans ces lignes.

 

Il y a de cela environ 15 ans, si ce n'est plus, je furetais dans un bazar-brocante à la recherche d'une idée de cadeau de Noël pour mes parents lorsqu'au détour d'un rayonnage mal rangé je me suis retrouvé nez à nez avec... une guitare (évidemment!).

 

J'avais en tout et pour tout une vingtaine d'euros en poche et je me suis dit que cette vieille guimbarde ferait tout à fait l'affaire pour bricoler un peu (je souhaitais essayer quelques trucs idiots et je ne voyais pas l'intérêt de saccager une bonne gratte pour ça).

L'instrument sous le bras, je me pointe à la caisse pour en demander le prix, et là, mauvaise surprise, le vendeur m'en demande précisément la somme que j'avais en poche, ce qui me semblait un peu cher au vu de l'état apparent de la guitare.

Bontempi, me dis-je en lâchant mes vingt boules, après tout, je tenterai de la restaurer plutôt que de la transformer, et je la revendrai plus tard...

Arrivé à la maison,j'inspecte de plus près...

 

Nous avons affaire à une guitare acoustique italienne, de la marque MELODY GUITARS, modèle n°325. C'est une gratte bon marché des années 70, de fabrication plus ou moins honnête, et au vu des photos que j'ai trouvées sur le net pour illustrer cet article (bah oui, je ne prenais pas toutes mes trouvailles en photo à l'époque, et encore aujourd'hui j'oublie souvent), ce doit même être un sous-modèle, voire une copie sommaire (différence de tête, le dessin de la rosace et l'étiquette dans la caisse ne sont pas les mêmes non plus).

 

 

Je teste un peu le matériel, voir ce que ça vaut encore. Déception ! la lutherie a déjà bien souffert, le manche est si arqué qu'il sera impossible d'avoir une note juste, les mécaniques sont mortes pour les deux tiers, le chevalet se décolle, il ne tient plus que par l'action de 2 rivets, et pour enfoncer le clou il manque le sillet de tête (ce que j'avais préalablement remarqué)... Autant dire que j'ai été un bon pigeon.

 

Je change tout de même les mécaniques que je remplace par des neuves made in China, et je réinstalle un jeu de cordes en me disant que je jouerai au slide dessus. Mais le son n'est pas terrible et puis je tape sans cesse dans les frettes, c'est désagréable. Finalement, je la remise dans un coin, tant pis.

 

Trois au quatre ans plus tard, j'y reviens. Après tout, si les frettes me gênent pour jouer avec mon bottle neck, je n'ai qu'à les retirer. La tâche est d'autant plus aisée qu'elles ne sont pas collées, du coup avec une lame de couteau, ça part très bien, et me voilà avec une super guitare fretless, ce qui est de toute façon mieu qu'un manche fretté faux ! Mais si le jeu en slide est plus aisé, le son fretless est comment dire... euh... mat, du genre ploc au lieu de dzoiiiiiiiing. Tant pis, une fois de plus.

 

Et puis il y a deux ans, je me relance encore (bon, je m'acharne, mais après tout, c'est une guitare de bricolage). John, un de mes collègues de Poule Mouton n’Cow, me donne une paire de micros pour guitare électrique (un soapbar à moitié démonté, et un très joli mini humbucker de chez Guitar Fetish), dans le but d'amplifier mon guitouki.

Le hic, c'est qu'ils sont trop épais pour se placer sous les cordes, et que je n'ai aucune envie de le percer pour ça (j'ai passé trop de temps à faire cette caisse, ce serait dommage, et caetera...).

 

Par contre, le mini humbucker ferait bel effet sur ma pelle italienne, je sors donc la perceuse et la scie et en l'espace d'une petite heure le tour est joué : voilà la Melody n°325 électrifiée. 

 

Une fois la gratte branchée à un ampli, je suis ravi d'entendre que le son est plutôt bon, toujours très mat en fretless mais un peu moins (ceci étant certainement dû à la captation magnétique de la corde plus qu'à la lutherie). Par contre, les larsen ne sont pas rares dès que je grimpe le bouton de volume de l'ampli pour entendre ma guitare.

Diagnostic personnel : le micro est trop loin des cordes, il faudrait le remonter un peu. Pfffff, il est inséré dans la table d'harmonie, et si je le place par dessus, il est trop haut et touche les cordes ! la flemme me prend et je range la guitare dans un coin.

 

Et puis l'année dernière, au détour d'une bière, un collègue de travail me parle d'une connaissance qui a trafiqué sa guitare acoustique pour la rendre plus "sonore" (entendez par là plus bruyante). Il a remplacé le chevalet collé (qui retient aussi les cordes) par un chevalet et un cordier flottants.

Pas con, me dis-je.

Surtout que j'ai récupéré il y a peu une vieille guitare (de la même époque que la mienne) originaire d'Allemagne de l'Est en pièces détachées et que celle-ci est équipée de ces fameux cordier et chevalet flottants... Niark, niark, je vais les récupérer, et avec les restes de cette guitare démontée, je ferais autre chose... plus tard.

 

Au boulot ! je ressors la 325 et perce les rivets du chevalet en me disant qu'une fois ça fait, il va partir tout seul... Misère ! en le retirant j'arrache une plaque de vernis d'environ 8 cm de long sur 1 de large, dans une épaisseur d'environ 1mm ! Il va falloir réparer cet outrage...

Et puis tant que j'y suis, je vais aussi refaire une plaque pour pouvoir remonter le micro qui était trop bas. Et tant qu'on y est, on va customiser un peu la déco avec des pochoirs (pour les graphismes, j'ai fureté sur les sites de tatouages temporaires, j'avais envie de quelque chose de chouette mais pas envie de perdre trois mois à dessiner).

 

Quelques semaines plus tard, après avoir rebouché le trou de vernis, poncé la table puis l'avoir retaillé pour y faire glisser le micro jusqu'à sa plaque, avoir réalisé mes pochoirs et reverni l'ensemble de 10 couches de vernis, en gros après avoir passé plus de trente heures sur mon ouvrage, je verse une petite larme...

 

 

Grâce à des mécaniques chinoises, un micro américain, un chevalet et un cordier allemands et pas mal de sueur locale, voilà enfin ma fretless terminée, et, ce qui n'est pas négligeable... ELLE SONNE ! Certes ce n'est pas une Gibson, mais le son est là, une sorte de mutant à la croisée du dobro, du violoncelle et de la guitare électrique. C'est super agréable. C'est beau, la solidarité internationale au service de la mutation génétique guitaristique...

 


03/03/2016
0 Poster un commentaire

La Clinique du docteur Sifoné - Ep.3 - Qui est le petit %§@#& qui a enfoncé ce jack ?

Une fois de plus, la Clinique du docteur Sifoné a été sollicitée. Une fois encore, je me suis mis en colère (mais cool quand même) contre les mauvais traitements que certains infligent aux six-cordes....

 

Cette fois-ci, la patiente est une Ibanez Artcore series, le modèle AS 73 BS pour les fans de nomenclatures obscures et de références de catalogue, une splendide copie de Gibson ES 335 d'un joli Brown Sunburst pour les autres.

Elle est comme neuve, même si elle a passé l'âge d'être encore sous garantie. Voyez plutôt...

 

 

On m'a amené cette malade un soir où je donnais mes cours de guitare pour l’asso Héric Musique.

 

Monsieur Y (dont je tairai le nom pour des raisons d'anonymat que vous comprendrez) me présente donc l'instrument, un cadeau fait à sa femme, sauvagement agressé par son propre fils (Tu quoque, mi filii ? aurait dit Jules César).

 

Ce vilain garnement n'a rien fait d'autre que maladroitement laisser tomber la belle avec un jack branché, ce qui a eu pour conséquence ceci.

 

100_0290 (Copier).JPG

 

Crac ! C'est moche, hein ? Grrrr, je sais pas ce qui me retient de m'énerver...

 

Bon, vu les dégâts, il me semble difficile de refaire la boiserie à l'identique pour peu de frais, on va ruser un peu...

Tout d'abord, on retire tout ce qui est fracassé, et on remercie la mini perceuse pour son aide précieuse dans cette tâche minutieuse.

 

 

 

Ensuite, on mastique... meuh non, ON NE MÂCHE PAS LA GUITARE, on applique un mastic bois, une pâte à bois si vous préférez, après avoir pris soin de plaquer un mince morceau de bois à l'intérieur (ici, un fond de boîte à camembert qui a été retenu par un ingénieux système de vis retiré ensuite, merci papa) pour ne pas dégueulasser tout l'intérieur de la gratte avec des grosses bavures.

 

Une fois le mastic séché, un léger ponçage, et on repasse une couche fine de pâte à bois pour lisser le tout, puis reponçage et on refait un trou dans lequel on pourra passer la prise jack, en prenant soin de le centrer comme il faut (et là encore on dit merci la mini perceuse et ses mini-outils...).

Et une fois tout ça fait, on fixe le jack femelle sur une plaque ad hoc (ici une plaque de chez ALLPARTS), qui elle même se retrouve vissée sur l'odieux trou (et par chance, elle recouvre pile poil la vilaine blessure).

 

 

Bon, d'accord, c'est une réparation qui tient plus du pansement que de la restauration.

C'est vrai, il y a encore quelques craquelures qui se voient dans le vernis (ce qui aurait demandé quelques heures de ponçage, et de vernissage en essayant de retrouver la teinte précise du sunburst, gros travail que je ne maîtrise pas encore).

Mais c'est costaud et surtout, Monsieur Y ne va pas cramer son portefeuille, et Madame Y va pouvoir rebrancher sa guitare sur son ampli, ce qui me fait encore plus plaisir...

Par contre, je déconseille à son fils de me croiser, parce que là, je ne sais pas si j'arriverai à me retenir de lui f%£$&@!!§ une correction.

 


01/03/2016
0 Poster un commentaire

La Clinique du docteur Sifoné - Ep.2 - Il faut sauver le soldat Millnot's (ou le lifting obligatoire)

La joie d'être papa et musicien, c'est surtout l'envie de partager sa passion avec ses enfants...

 

Et c'est précisément ce que je voulais faire pour ma fille de 4 ans, Lucie.

 

Lors d'un vide-grenier l'été dernier, j'ai croisé sur un étal un vestige de guitare stratoïde, taille 1/2. Quand je dis vestige, épave serait plus adapté... Une guitare de la marque Millnot's (marque de supermarché) dont l'état laissait croire que le pauvre instrument était mort sur un champ de bataille entre Verdun et Dien Bien Phù.

N'ayant pas eu la présence d'esprit de la photographier en l'état, ni lors des étapes de sa restauration, je m'en vais donc vous décrire les dégâts et le chantier... Mais, tout d'abord, voici un cliché du modèle, quand il est en bon état.

 

guit millnot.jpg

 

La lutherie était marquée de coups profonds, jusqu'à en abîmer le bois, sur le corps, le dos du manche, la tête qui commençait à fendre, le micro qui s'enfuyait de peur de croupir sur cette... pelle à sable... même la touche, sous la couche épaisse de crasse qui la recouvrait comportait quelques éraflures légères.

Il manquait à l'appel le sillet de tête, un pontet, quelques bushings (vous savez, ces petites rondelles qui habillent les mécaniques sur la tête), et pour parfaire le tout, le chevalet commençait à rouiller sévèrement.

A vrai dire, la SG des Résidus paraissait presque plus propre...

 

Pris de pitié pour cet instrument, je me disais qu'il fallait sauver le soldat Millnot's de la décrépitude et lui offrir une bonne séance de chirurgie à la maison.

Le vendeur m'en proposait environ 30 €, je la négociais donc à 5 (faut pas déconner non plus), pour la simple raison que je pouvais pas l'essayer sur place et donc vérifier que l'électronique fonctionnait encore.

 

De retour à la maison, après avoir vérifié qu'il y avait encore un peu de vie dans son micro (et en fait oui), la petite resta un moment dans l'atelier avant que je ne décide de m'y attaquer, et puis au mois de janvier, j'ai lancé l'opération.

 

Tout d'abord, démontage complet de la demoiselle, jusqu'à la dernière vis, nettoyage (ou curage) de la touche, ponçage intégral pour retirer la peinture noire et rattraper les vilaines plaies faites sur le corps et le manche, dérouillage des pièces métalliques concernées à l'essence, brosse et même toile émeri.

 

Dans un second temps, réapprovisionnement des pièces manquantes (trouver un pontet, des bushings, trouver de quoi faire un sillet de tête).

 

Ensuite, la peinture, les couleurs et motifs ont été choisis par ma fille (merci Lucie, tu as un bon goût rock'n'roll). Ce ne fût pas simple, je ne suis pas un grand spécialiste de la peinture, du moins ce genre de peinture bien finie... Puis vernis, en 9 couches toutes poncées au grain 1000, et pour terminer un passage avec un polish (enfin du Litho-Fin, une cire à pierre qui ressemble un peu à de la pâte à polish).

 

Dernières étapes, le remontage de la lutherie, le recâblage électronique, la repose des mécaniques, du sillet et du chevalet, le cordage et le réglage, et voilà une guitare parfaite pour satisfaire les envies punk de ma petite Lucie pour quelques années encore.

 

 


01/03/2016
0 Poster un commentaire

Un SoundCloud Ben Sifoné ?

Et bien oui, il y en a désormais un, vu que c'est le moyen le plus pratique pour mettre en ligne des musiques, du coup vous pouvez aller regarder et surtout écouter (bon, ok, ça fait presque 6 mois qu'il est en ligne, mais j'ai pas eu la présence d'esprit de mettre à jour à ce moment là, mille pardons)...

 

ça se passe

 

et pour les gens qui ont la flemme d'ouvrir un nouvel onglet, vous pouvez en écouter un peu là aussi

 

 

 

 

 

 


29/02/2016
0 Poster un commentaire