musique, lutherie déjantée

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La Clinique du Docteur Sifoné - épisode 10 : 4 ans, 4 cordes, ou le hasard des chiffres fait bien son boulot

- Papa, papa, je veux une guitare !

- Oui fiston, mais tu peux jouer avec celle de ta soeur...

- Oui mais je veux que tu me fasse un Canjo

- Bah je veux bien mais là maintenant j'ai pas le temps...

- Papa, je veux un ukulélé !

- Et le bleu que je vous ai donné ?

- Papa, tu me la fais quand ma basse ?

 

Bon, vous l'aurez compris chers lecteurs, mon fils Gaston aime la musique et veut surtout en jouer (tant que c'est du rock'n'roll). Depuis qu'il arrive à se faire comprendre, il me tanne pour que je lui offre un instrument... Pourtant il a déjà de quoi s'amuser à la maison, avec tous les instruments à sa disposition (et ceux qui me connaissent savent que je n'éxagère pas une seule seconde), il a de quoi former un orchestre complet... ou presque.

Mais comme il est à peu près aussi têtu que son père, Gaston n'en démord pas, il veut SON instrument à lui. C'est vrai que sa soeur avait eu une guitare électrique (voir La Clinique épisode 2), après tout il a raison, ce n'est que justice.

Soit, tu veux gratter des cordes ? Si je fais le tour de ce que vous avez dans votre salle de répétition d'enfants "gâtés", je remarque qu'il vous manque en effet un instrument... Une évidence de taille. UNE BASSE ! Comment peut on faire du rock'n'roll sans basse ? Oui, bon, certains me parleront de John Spencer Blues Explosion, ou me trouveront encore d'autres exemples, mais l'absence de sons graves, joués sur une portée en clé de Fa... Avouez quand même que ça manque.

 

C'est décidé, pour ses 4 ans, mon Gaston aura 4 cordes, des grosses... et graves. Me voilà bien avancé, et il va falloir se mettre au boulot.

Tout d'abord, réunir le matériel nécessaire.

Au vu de la taille du bassiste (à peine plus d'1 mètre de haut), je pense qu'un manche de basse standard risque d'être un peu grand. Qu'à cela ne tienne, j'ai un vieux manche de guitare électrique récupéré chez un copain il y a longtemps (Merci Toto !).

Pour le corps, je vais utiliser une chute du plan de travail de notre salle de bain, en hévéa massif.

Pour l'électronique, j'ai en stock assez de composants et le micro vient de la même récup' que le manche (son jumeau avait d'ailleurs servi à la création d'un triangle électrique). Le chevalet est lui aussi récupéré d'une vieille épave. Restent les plaques pour fixer tout ça, je prendrai l'option contreplaqué, j'en ai toujours des chutes pas possibles. Et pour ce qui est du bouton de volume, j'ai en réserve quelques vieux boutons de TSF, il y en a sûrement un qui fera l'affaire...

 

Le matos réuni, il faut donc se lancer.

La seule pièce qu'il me faille créer est le corps... J'ai longtemps ruminé sur quelle forme il devait avoir, stratoïde ? Lespauloïde ? Patatiforme (Gaston s'était pointé une fois devant moi en me demandant de lui faire une guitare avec la planche à découper la viande)? Aaaaargh ! c'en est trop ! C'est trop dur !

Au final je me suis inspiré d'une basse playmobil, influences FlyingV/Firebird... et une fois le dessin réalisé, j'étais content. Donc... à l'atelier. Je dessine directement sur ma planche, et avant de découper le corps, je prépare déjà le trou dans lequel viendra s'insérer le manche, à la défonceuse, à l'aide d'un gabarit maison. Et heureusement que j'ai procédé ainsi, car à la première tentative de défonce, le gabarit s'est décollé, et j'ai rippé, ratant le logement avec brio. Heureusement pour moi (ou pour Gaston), j'avais assez de bois pour faire deux corps. Je recommence donc l'opération après avoir décalqué et reporté mon dessin, en assurant mon gabarit avec deux fois plus d'adhésif double-face, et tadaaam ! voilà un joli trou pile-poil à la bonne taille, au micro-poil !

 

 

Ensuite vient la découpe, que j'effectue à la scie à ruban, un peu à l'extérieur de mon trait de coupe, je finirai en détail avec mon rouleau de ponçage maison sur la perceuse à colonne. Et la défonce des différentes cavités (toujours à l'aide de gabarits maison) qui accueilleront plus tard l'électronique de l'instrument ainsi que des bords du corps pour arrondir les angles (ce serait moche que Gaston se charcute les bras en jouant, même si son premier groupe imaginaire s'appelait Cochon). Un petit assemblage pour voir si ça biche, et un montage à blanc de l'ensemble pour voir si c'est cohérent, et aussi pour caler la position du chevalet, que je fixe pour percer les trous de passage de cordes...

 

 

On peut passer à la phase déco, après un ponçage minutieux du corps pour enlever toute la crasse et les traits de crayon, je passe un bouche-pore (ou fondur) au rouleau sur le bois. GROSSE ERREUR !!! Je voulais teinter le bois dans la masse, pour qu'on voie son veinage et de la couleur, et le bouche-pore va empêcher (du moins en partie) ce procédé ! Quel c*§%µ£$on ! Tant pis, je vais faire un vernis teinté...

Après avoir mélangé mon vernis avec une touche de colorant universel, je tente l'aventure au pistolet, avec un raté splendide. A part des coulures qui gouttent, je n'obtient rien de bon, donc chiffon, on essuie, on tamponne, en priant pour que la teinte soit à peu près uniforme.

Après séchage, je suis pas hyper content et je me dis que je vais tout reponcer. Ce que je commence à faire, pour changer d'avis en cours de route et faire un ponçage "vintage", genre traces d'usure... Une fois le ponçage terminé... je suis toujours pas satisfait, alors je reprends mon vernis teinté et j'en passe deux couches avec un rouleau à laquer. L'aspect me plaît enfin... Plus qu'à vernir en incolore par dessus pour protéger.

Le ponçage/égrenage entre ces couches de vernis (au nombre de 6 ou 7) a toutefois abîmé la teinte par endroits, mais vraiment très peu... c'est le côté usure que je cherchais au départ, du coup je suis content.

Pour les plaques (micro et plaque de contrôle), j'ai utilisé le même vernis teinté, à la seule différence qu'elles avaient été teintées à l'encre bleue de stylo-plume avant bouche-porage, ce qui leur donne un aspect plus foncé.

 

 

Allez, c'est presque la dernière ligne droite ! Je commence à monter l'accastillage, notamment les passants de cordes à l'arrière du corps pour m'apercevoir que les deux du milieu vont avoir un peu de mal à passer côte à côte (ma perceuse à colonne n'est pas le meilleur modèle, et j'ai eu la surprise de remarquer qu'elle ne perçait pas toujours parfaitement droit). J'arrange les choses avec un petit coup de lime. Puis on retourne la bête, et on lui habille les entrailles, d'abord avec un adhésif métallique (blindage interférentiel), on remonte le chevalet, sans oublier d'y amener un fil de masse.

 

Vient ensuite l'électronique ; j'ai opté pour un système à un bouton de volume, accompagné d'un petit switch de tonalité dit "treble-bleed" (qui coupe les aigus du son). Gaston aura donc le choix entre le son plein de son micro, ou bien un son plus velouté et rond. Après quelques soudures, tout est prêt à installer, y a plus qu'à !

 

 

Il ne me reste plus qu'à monter le manche et les cordes, mais avant cela, comme le diable est dans les détails, je tenais à personnaliser sa tête. Gaston, Gibson... autant de lettres, même initiale. Un petit pochoir façon Gibson, on visse le manche, on installe 4 cordes de guitare baryton (accordées en LA RE SOL DO, comme une basselélé en quelque sorte) et voilà la Gaston FlyingBird Fire V prête à faire feu ! (bon, j'ai eu deux ou trois réglages de truss et de pontets a faire quand même hein...)

 

 

 

Reste une gros problème : l'ampli. Bah oui, une basse électrique, c'est comme une guitare électrique... il faut un ampli pour se faire entendre. Et c'est ici que le titre de l'article trouve son sens.

J'ai trouvé à la déchetterie un vieil ampli Novanex en parfait état de marche. Il a 40 ans, et fait 10 watts. Mon fils est né le 4 octobre (4/10), il a donc pour ses 4 ans un instrument à 4 cordes pour y faire jouer ses 10 doigts sur un ampli de 10 watts qui a 4 fois 10 ans. Alors, il fait pas bien son boulot, le hasard des chiffres ?

 

Petit supplément : Comme l'ampli ne produit qu'un son clair, j'ai fourni à mon fiston une jolie petite pédale de disto maison, qui fonctionne sans alimentation électrique et surtout sans pile. Parce qu'il n'y a pas de rock'n'roll sans un peu de saturation, et parce que ça ne doit pas nous empêcher de penser à être un peu moins énergivore...

 

 



11/10/2018
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